Covid-19 et les yeux, ce qu'il faut retenir

Depuis le début de la pandémie liée au Covid-19, la connaissance du nouveau coronavirus n'a cessé de croître. Ainsi, suite aux différentes atteintes oculaires décelées chez les patients atteints de la maladie, les chercheurs ont pu démontrer les liens étroits qui existaient entre le virus SARS-CoV-2 et les yeux. Pathologies conjonctivales, larmes contagieuses... le point avec le Pr Kodjikian, président de la Société française d'ophtalmologie (SFO) et chef de service adjoint au service d'ophtalmologie de l'hôpital de la Croix-Rousse à Lyon.

Des atteintes oculaires chez les patients atteints de Covid-19

Dès le début de l'épidémie, il a très vite été remarqué que les personnes touchées par le nouveau coronavirus présentaient des symptômes au niveau des yeux. Les premières études chinoises ont rapidement mis en avant la possibilité d'atteintes conjonctivales associées à la maladie. Après plusieurs mois d'épidémie et la mobilisation mondiale des chercheurs, toutes les pathologies oculaires ont été bien décrites et documentées par les études scientifiques. “Parmi elles, nous avons clairement identifié les conjonctivites [NDLR : inflammation de la muqueuse conjonctivale], les hyperhémies conjonctivales [vasodilatation excessive des petits vaisseaux de la conjonctive oculaire] qui vont jusqu'aux conjonctivites, voire les kératoconjonctivites [une double atteinte de la conjonctive et de la cornée]. En effet ont également été rapportées des conjonctivites avec parfois des infiltrats cornéens”, précise le Pr Kodjikian.

Les yeux, un point d'entrée du virus dans l'organisme

Pour pénétrer l'organisme, le virus SARS-CoV-2 s’attache à une protéine présente à la surface des cellules, qui se trouve dans les voies respiratoires et les poumons : l'enzyme ACE-2 qui agit comme un récepteur. Afin d'y arriver, il doit requérir l'activation de la protéine S et s'appuyer sur l'enzyme cellulaire TMPRSS2. C'est ce qui permet la fusion entre les membranes du virus et celles de la cellule, et donc sa pénétration dans la cellule, sa duplication puis sa propagation dans l'ensemble de l'organisme. Or les scientifiques ont démontré que les cellules de l’épithélium conjonctival exprimaient cette protéine et que les yeux pouvaient être l'une des “portes d'entrée” du coronavirus. Avec pour conséquences le développement d'atteintes oculaires avant même que ne se déclenchent quelques jours plus tard d'autres symptômes comme la toux, la fièvre, etc. “Ces conjonctivites que l'on pourrait qualifier de 'banales' pourraient finalement être un signe précurseur d'une infection par Covid-19”, ajoute le président de la SFO.

Les larmes, un mode de transmission du virus SARS-CoV-2

Ces études ont ainsi permis d'identifier une nouvelle voie de transmission du coronavirus via la conjonctive de l'œil, notamment par l'intermédiaire des larmes et des sécrétions conjonctivales. “Les larmes sont potentiellement contagieuses et restent contagieuses un certain temps. Une étude vient d'ailleurs récemment de montrer qu'on pouvait retrouver du PCR* positif dans les larmes jusqu'à 27 jours, soit bien au-delà des 14 jours habituels”, conclut le Pr Kodjikian. Autant de données qui rappellent une fois de plus l'importance du respect des gestes barrières, du port de protections (masque, visière, lunettes) et, surtout, d'éviter un maximum de se toucher le nez, la bouche et aussi les yeux.

* Le dépistage de la maladie Covid-19 repose sur la réalisation d'un test virologique effectué par prélèvement nasopharyngé. La technique utilisé (PCR) permet de mettre en évidence le matériel génétique du virus.

Interview du Pr Kodjikian par Le Guide de la Vue - le 2 juin 2020.